The Chef

Claude Monet Père Paul and La Mère Paul (Paul and Eugénie Graff), 1882
 

 Claude Monet ~ Les Galettes, 1882

On sait tout de ces galettes : le nom et le visage de celui qui les a cuisinées, de son épouse, et même de leur chien!  
De février à avril 1882, Monet séjourne à Pourville, sur les côtes de la Manche, non loin de Dieppe. Il loge dans le modeste hôtel – restaurant – casino du village balnéaire. 
L’établissement s’appelle “A la Renommée des Bonnes Galettes”. Il est tenu par Paul Antoine Graff. Ce chef né en Alsace a peut-être émigré en Normandie après la défaite de 1871, qui donne l’Alsace à l’Allemagne.
Monet n’a pas un sou. En cette saison hivernale, il est le seul pensionnaire de l’hôtel. L’hébergement ne coûte que 6 francs par jour, contre 20 francs dans un hôtel de Dieppe, mais comment payer ?
Les Graff sont de braves gens, ils acceptent de se laisser peindre par Monet en échange de sa pension. Le peintre exécute deux grands portraits, l’un du Père Paul, l’autre de la Mère Paul en compagnie de sa petite chienne griffon Follette ; enfin, ce sont les galettes que le peintre croque sur la toile. 

Deux belles galettes dorées à souhait refroidissent sur des claies d’osier. On les devine riches en beurre, car c’est comme ça qu’on l’aime, comme dit la chanson. Des coups de couteau rayonnants tracés dans la pâte leurs donnent l’aspect de deux grosses fleurs.  
Les galettes sont disposées sur une table recouverte d’une nappe blanche. A côté, une carafe qui contient peut-être du cidre, de la couleur exacte des galettes. De l’autre côté, un couteau.
 
C’est ce couteau noir, à la lame effilée, qui dérange. Tout est doux dans le tableau, les formes arrondies, les teintes lumineuses et dorées, sauf ce terrible couteau pointu.
Au lieu d’être posé sur le bord d’une galette, comme une invitation à la couper, le couteau pointe vers le spectateur. Vers le peintre. Vers sa signature.
Dès lors, on peut s’interroger sur la composition de l’oeuvre. Monet cadre serré, coupant même le haut de la carafe. La scène en acquiert une indéniable intensité dramatique.
Quelques précisions biographiques peuvent contribuer à une interprétation symbolique du tableau. Au moment où Monet peint les Galettes, il se trouve seul sur la côte normande. Alice, qui est encore la femme d’Ernest Hoschedé, est restée seule à Poissy avec les huit enfants : les deux fils de Monet et Camille et les six enfants qu’elle a eus avec Ernest.
La toile devient le champ de projection des conflits qui déchirent Monet. Il aime Alice, mais il en est séparé. A Poissy, ils logent ensemble, mais il l’appelle Madame. Un parfum de scandale flotte depuis le décès de Camille et le départ d’Ernest. Et si Alice venait à renoncer à vivre avec lui ? Et si elle retournait auprès d’Ernest ? 
“J’étais sous le coup de vos mauvaises nouvelles du matin… j’ai eu une terrible angoisse”, écrit-il à Alice le 18 mars.
Le couple de galettes semble représenter le sien. Le couteau, c’est cette menace qui pèse sur son coeur, et qui pourrait bien le briser.
Monet, comme la carafe, en perd la tête. Comme elle, si près du bord de la table, il semble happé par la dangereuse proximité des falaises.  

 

Le Blog d’Ariane

Le Bocal de Peches

Claude Monet, 1866  [Staatliche Kunstsammlungen Dresden]

The painter in his kitchen at Giverny
A seat at Claude Monet‘s lunch table in Giverny – some 50 miles outside of Paris – was a coveted invitation in the late 19th and early 20th centuries, and not simply because you might find yourself dining next to Auguste Renoir, Paul Cezanne, or John Singer Sargent.  Guests came as much for the food as for the company.  Monet hand-selected his poultry at the local market, and he grew his vegetables in a 2 1/2 acre walled kitchen garden.  He was a harvester of recipes, too, coaxing them out of his friends and restaurant owners he met on his travels and keeping extensive food journals.  ➔ Claude Monet served mushrooms that made an impression by Jennifer Wolff  [Best Life Oct. 2006]

Claude Monet’s “Ma recette pour les cepes”
Ingredients
1 pound wild mushrooms
4 tablespoon olive oil
2 cloves garlic, minced
4 springs parsley, chopped
1/2 teaspoon sea salt
1/2 teaspoon freshly ground black pepper

 Preparation
– Preheat oven to 325
– Peel the mushrooms and separate the caps from the stems.  Finely chop the stems, arrange them in a shallow cooking dish, and place the caps on top of them.
– Sprinkle with the olive oil and bake for 20 minutes, or until the oil is transparent
– In a small bowl, combine the garlic and parsley.
– Remove the mushrooms from the oven and sprinkle with the garlic mixture.  Season with salt and pepper to taste
– Return to oven and bake an additional 20 minutes, basting at 5 and 15 minutes with the liquid from the pan.

Recipe source: Monet’s table: The Cooking Journals of Claude Monet, by Claire Joyes

Décoration de M. Claude Monet

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“What I need most of all are flowers, always, always”

[The scholar Paul Hayes Tucker has described the commission as “one of the artist’s major preoccupations between 1882 and 1885” and the paintings as “charming, lusciously painted, and often quite novel” (Claude Monet: Life and Art, New Haven, 1995, p. 122). Thirty-six of the paintings, including twenty-nine flower still-lifes and seven images of fruit, were hung in 1885 on six double doors in Durand-Ruel’s large drawing-room. ] Impressionist and Modern Art

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On loin du tableau de M. Puvis de Chavannes, la paix froide d’une rue de village sous la neige, par M. Pissarro. La bise a fouetté la neige qui s’amoncelle dans des angles; aux endroits où sa violente caresse a fait rage, le sol est dénudé. Les maisons, qui ne sont pas encore alourdies par l’épaisseur des couches, ont une blancheur pimpante sur le ciel sombre.
Hâtivement, des gens circulent en des attitudes transies. Le ton verdâtre des portes, des volets, accroît la sensation de froidure.
Puis, une grande toile de M. Renoir.

Drawing room of Durand-Ruels’s apartment, 35 rue de Rome, showing doors painted by Monet

Une femme, portant sur les épaules une hotte d’osier, va lentement vers la mer, dont la nappe immense forme le fond du tableau et qu’on sent, par delà le cadre, s’étaler à l’infini. Elle tourne la tête pour regarder des enfants, qu’elle a laissés derrière elle. Cette torsion entraîne une évolution correspondante du buste sur les hanches et ces deux mouvements, fort logiquement associés, sont d’une souplesse si vivante, d’une si éloquente vérité que, sous les hardes, on devine les sinuosités du flanc. La flexion dû cou se dessine en plis gras dans l’embonpoint des chairs. Un mince ruban bleu circuite dans la chevelure châtain roux et la limpidité de grands yeux pers pacifie l’éblouissante carnation du visage. Les détails de l’accoutrement, corsage brun, tablier bleu vert, jupe à reflets violacés, peints à larges touches, sont d’un fastueux éclat. Des tignasses d’un blond ardent et soyeux coiffent les figures poupines de trois enfants dont les yeux sont de bleues clartés. Pour chacun, l’or des cheveux, l’incarnat des joues, le bleu du regard, le rouge-cerise des lèvres sont associés en valeurs délicates et justes. Au blond chaud de la première petite fille correspond un vermillon plus vif, un bleu plus foncé. Les trois valeurs décroissent simultanément et s’adoucissent chez la seconde. Enfin, la toison du mince garçonnet casque de chanvre fin les joues rose tendre où s’alanguit un regard glauque.

La fraîcheur de la vision, l’instinctive compréhension de la beauté des lignes se complètent par une très grande science des harmonies et des rapports de tons. Le sentiment de l’œuvre est, en outre, exprimé par une simplicité touchante de groupement et d’attitudes : l’aînée des petites filles donne la main ù sa mignonne sœurette, avec un air d’attentive protection. Son autre main, elle l’emprisonne câlinement entre son épaule et sa figure inclinée en une pose de gêne naïve. Les frisottis et les boucles d’or encadrent de leur mobilité soyeuse la fraîcheur des joues, l’ambre des cous nus. Les membres replets ont les libres souplesses de l’enfance. De quel chatoyant éclat resplendissent ces hardes de misère : pour l’une des petites filles, c’est un jupon rouge, pour l’autre un caraco aux vieux tons cramoisis, une robe d’un bleu vif radoubée vers le bas d’étoffe à carreaux pourpres et violâtres.

Ils se promènent sur la grève parsemée de blocs, de touffes de goémon, de souples algues et de varechs. Le flot ascendant bientôt y apportera son écumante caresse. Au loin, les vagues battent leur cadence et l’on perçoit le balancement des houles, l’infini des étendues. Des voiles blanches, qu’on sent mobiles et légères sous le vent du large, évoluent en l’immensité bleue de la mer dont la grandeur incite aux mélancolies. 

Pour compléter la fête de couleurs qui éjouit son salon, M. Durand-Ruel a fait à cette peinture un cadre digne d’elle : les panneaux des portes ont été décorés par M. Claude Monet. Au lieu de monotones boiseries blanches qui couperaient de silences l’allégresse des symphonies, ce sont des fleurs aux pétales diaprés, des grappes de fruits d’or, des corbeilles où, parmi des verdures, l’éclat velouté des corolles luit fastueusement. Les trois saisons efflorescentes, le printemps, l’été, l’automne, mêlent leur grâce jeune, leur chaleur, leur chaude mélancolie.

Et comme si ce n’était pas assez de l’opulent éclat de fleurs isolées surgissant de terre, M. Claude Monet associe en bouquets d’une polychromie harmonieuse la splendeur d’ombelles, de thyrses détachés de leur tige et placés dans des vases d’un savoureux émail. La joie des efflorescences spontanées est accrue par la grâce de pimpantes unions de couleurs.

Les disques fauves et citrins des soleils fulgurent au centre de leur verte auréole lancéolée; campanules graciles, aux tons pâles, émergent de claires folioles; anémones, violettes, pourpres ou ardemment jaspées, narcisses entr’ouvrant leur calice jaune, chantent dans des touffes de verdure. La neige des reines marguerites et des azalées rosit tendrement. De vases à l’émail mat surgit une hampe qui, entre des feuilles arrondies en volutes, dresse haut, sur fond crémeux, les efflorescences roses, grenat et vieil ivoire de larges pavots. Puis, à nouveau, resplendit l’éclat velouté des narcisses et des anémones, et l’or ardent de six lourdes oranges s’associe harmonieusement à l’ombre bleue qu’elles portent sur le panneau clair, tandis que des citrons teintés de vert appendent entre leurs feuilles luisantes et recroquevillées. La candeur des dahlias, le panache bigarré des glaïeuls se mêlent aux diaprures des tulipes, à la pourpre des pêches.

L’art impressionniste d’après la collection privée de M. Durand-Ruel, 1892 ~ Georges Lecomte